Diplômée de l’Ecole supérieure d’Arts visuels de Genève, la Carougeoise Patricia Plattner a d’abord travaillé comme artiste plasticienne, gagnant plusieurs bourses et prix, et fondant avec quelques amis le légendaire atelier de graphisme LES STUDIOS LOLO. Au cinéma, elle fait vite entendre sa voix, notamment grâce à un premier long métrage au titre en forme de pirouette, Piano panier ou la recherche de l’équateur, présenté en compétition à Locarno en 1989. Elle alterne ensuite les fictions et les documentaires, excellant dans des portraits sensibles comme celui sur David Streiff, en 1991, alors qu’il quittait sa fonction de directeur du Festival de Locarno (Le sismographe, la lune et le Léopard), celui sur le chef d’orchestre Herbert von Karajan (Maestro, Maestro!, 1999) ou encore celui sur le cinéaste d’animation Georges Schwizgebel (Des tableaux qui bougent, 1990).
Grande voyageuse, elle réalisé un documentaire étonnant sur la mémoire des colons italiens ayant vécu en Ethiopie, Hôtel Abyssinie, ainsi que le plus beau film que je connaisse autour de l’écrivain Nicolas Bouvier, Le hibou et la baleine (1993). C’est en 1994 qu’elle tourne au Sri Lanka sa deuxième fiction, Le livre de cristal, avec Jean-François Balmer et Valeria Bruni-Tedeschi, présenté en compétition à Locarno. Il sera suivi notamment par Les petites couleurs (avec Anouk Grimberg et Bernadette Lafont, 2002) et Bazar (avec Bernadette Lafont et Lou Doillon, 2009), une comédie douce amère qui lui va comme un gant, beau portrait de femmes à la fois un peu tristes et foncièrement courageuses.
Parallèlement à son activité de réalisatrice, Patricia Plattner fonde en 1985 Light Night Production qui, outre ses propres œuvres et quelques autres films suisses, va régulièrement coproduire des titres remarquables, souvent en collaboration avec les sociétés du mythique producteur Paulo Branco. Ce sera notamment deux des plus beaux films de l’immense cinéaste portugais Manoel de Oliveira, Les cannibales et Le val Abraham, Border Line de Danièle Dubroux, La vie moderne de Laurence Ferreira-Barbosa et le plus suisse des films du prolifique cinéaste chilien Raul Ruiz, Ce jour-là.
Très active dans le milieu du cinéma, ses commissions, ses syndicats, ses associations, Patricia Plattner était toujours là pour donner de la voix quand il le fallait, pour défendre le cinéma d’ici – et pour boire un verre et rire entre amis à Locarno ou Soleure. Patricia Plattner était une femme courageuse, drôle, mais aussi sensible, aimant par dessus tout les arts et la culture, et le cinéma à son image: courageux, drôle, et profondément exigeant. Ce qui est une denrée rare par les temps qui courent. Patricia, tu vas nous manquer énormément.
Frédéric Maire
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