Il y a exactement trois mois, le 17 septembre dernier, Marisa Paredes était venue à Lausanne, au Capitole, rendre hommage à son grand ami le cinéaste grison Daniel Schmid et présenter au public son film Hors-Saison, où elle incarnait à la perfection une Sarah Bernhardt évanescente. Elle est ensuite repartie pour Madrid, où elle vivait, et à San Sebastian, où elle participait à l’hommage rendu par le festival basque à Pedro Almodovar, le cinéaste qui lui avait offert certain de ses plus beaux rôles. Aujourd’hui, Marisa Paredes s’est éteinte, à l’âge de 78 ans. Nous sommes de tout cœur avec son compagnon et ses proches. Nous perdons une chère amie et une très grande dame du cinéma.
Née à Madrid en 1946, Marisa Paredes se forme au théâtre et, dès 14 ans, foule les planches et apparaît sur les écrans dans de nombreux seconds rôles. Une première consécration arrive avec le premier long métrage de Fernando Trueba, Opera prima (1980), suivie par sa première apparition en bonne sœur (au côté de Carmen Maura) dans un film du jeune trublion de la movida madrilène, Pedro Almodovar, Entre tinieblas (1983). A partir de là, elle deviendra l’une des actrices récurrentes de l’œuvre du cinéastes : elle incarne la diva Becky del Páramo dans Tacones lejanos, l’écrivaine Amanda Gris dans La flor de mi secreto, sans oublier bien sûr Todo sobre mi madre, Hable con ella et La piel que habito.
Outre ses rôles avec Almodovar, elle continue de jouer pour de nombreux autres cinéastes espagnols, de Jaime Chávarri, José Luis Borau, Agustì Villargonga, Enrique Urbizu, Pio Caro Baroja, Iván Zulueta ou Antonio Isasi-Isasmendi (avec qui elle aura une fille, Maria Isasi, née en 1975 et devenue également comédienne).
A partir des années 90, Marisa Paredes développe également une carrière internationale impressionnante, notamment dans La vita è bella de l’Italien Roberto Benigni, Profundo Carmesí et El coronel no tiene quien le escriba du Mexicain Arturo Ripstein, El espinazo del diablo du Mexicain Guillermo del Toro, Dans le rouge du couchant de l’Argentin Edgardo Cozarinsky, Golem, l’esprit de l’exil de l’Israélien Amos Gitai, Le miroir magique du Portugais Manoel de Oliveira, Trois vies et une seule mort du Chilien Raul Ruiz, Tombés du ciel du Français Philippe Lioret, ou encore, en Suisse, dans Jonas et Lila, à demain d’Alain Tanner, Traumland de Petra Volpe, sans oublier, bien sûr, Daniel Schmid. Elle devait d’ailleurs jouer dans le film qu’il n’a jamais pu finaliser, Portovero, en 2006.
Elle sera également présidente de l’Académie du cinéma espagnole de 2000 à 2003, et recevra en 2018 un Goya d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Profondément féministe, volontiers revendicatrice, elle sera de toutes les luttes et de tous les combats à la fois pour la culture, le cinéma et les femmes, descendant volontiers dans la rue pour défendre ses idées.
Frédéric Maire
Marisa Paredes à la Cinémathèque suisse en septembre 2024
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© Cinémathèque suisse / Pierre-Yves Massot